Ceux qui ont connu le monde avant Uber savent que quelque chose a changé. Cette société, vantée partout comme le nouveau modèle économique pour les start-ups, a clairement changé les comportements. Mais pas seulement. Uber a réussi le défi de changer le vocabulaire, la perception des entrepreneurs et des économistes. Le groupe américain est venu chambouler la culture d’entreprise et les liens qui existent au sein de celle-ci. Aujourd’hui beaucoup de porteurs de projets ou de dirigeants de petites entreprises présentent leurs idées, en pensant qu’ils vont uberiser le monde.
Uber annonce-t-il l’avènement d’un nouveau monde ?
Un chauffeur de taxi à New-York, comme à Paris, a toujours été indépendant.
L’excitation accompagne toujours les nouvelles idées. Même s’il est évident que la technologie change le rapport et les relations au sein de l’entreprise, les fantasmes peuvent très vite laisser la place à un avenir d’illusion. Car innovation ne veut pas forcément dire disruption, et l’implémentation d’un nouveau produit peut ne pas toujours avoir les bénéfices escomptés. J’ai suivi Uber en tant que consommateur, depuis presque 10 ans. Ce que cette entreprise réussit à faire, c’est d’être une véritable alternative à la mobilité dans les mégapoles, tout en construisant une marque mondiale. Rien d’autre. Un chauffeur de taxi à New-York, comme à Paris, a toujours été indépendant. La technologie lui sert uniquement de passerelle et permet une certaine traçabilité.
Et l’Afrique dans tout ça ?
L’Afrique est aussi aujourd’hui plongée dans cette vision cool du monde, qui se veut délibérément révolutionnaire. Tout le monde veut dorénavant faire comme Uber, et peut-être voir sa start-up devenir un onomastisme. Ce sont souvent les figures les plus emblématiques du digital, sur le continent, qui portent cette euphorie. Les startups sont présentées dans les pitchs et les concours comme les espaces qui structurent un nouveau monde, où l’Afrique n’a pas raté le coche. De Dakar à Addis, de Tunis au Cap, de nouveaux prophètes tech apparaissent et prêchent la bonne parole en utilisant une novlangue, qui frise parfois l’abus. Ces vues simples ne reflètent pas vraiment la réalité. Au fond, rien n’a été déconstruit. L’Afrique est encore larguée dans les technologies nouvelles. Il faut certes mettre l’accent sur un discours utopiste et enthousiaste. Mais en restant clairvoyant. Nous ne devons pas empêcher les décideurs, et les aspirants entrepreneurs d’avoir une compréhension lucide de l’écosystème et de se doter des capacités nécessaires pour affronter leur marché.
L’entrepreneuriat ne doit pas demeurer une affaire de hype et d’ambitions bienveillantes.
L’entrepreneuriat ne doit pas demeurer une affaire de hype et d’ambitions bienveillantes. Il se trouve des barrières, un poids social et institutionnel, qui sont les seules constantes qu’il faudra connaître pour mieux les affronter. L’entrepreneur doit se forger préalablement des valeurs, des méthodes et des objectifs. Tout cela se tient, dans une boucle fermée. Il s’agit de le savoir avant de se jeter dans l’inconnu. La réussite peut ne pas être au rendez-vous, ça arrive très souvent, mais les clés du succès ne sont jamais aléatoires – peut-être au loto mais pas en entreprise.
Oubliez les methodes Lean Startup, et autres fumisteries
Pour ceux qui veulent se lancer, il faut savoir qu’il y a du pain sur la planche. Le chemin sera long et difficile. Ils doivent s’armer de patience, s’ils veulent adopter de nouvelles formes de travail et devenir de vraies success-stories.
Dans une article publié sur Alternatives Economiques, le professeur de management, Franck Aggeri, montre comment l’intuition de William Deming, le penseur du progrès continu, a été dévoyé et nous apprend que seuls 2 % des projets lean atteignent leurs objectifs, en se fondant sur une étude du magazine Industry Week de 2008. La “roue de Deming”, avait pour objectif l’amélioration continue des organisations par une méthode dite PDCA (Plan, Do, Check, Act). Le PDCA est aujourd’hui l’une des grandes doctrines du management. Mais a été travestie, selon Franck Aggeri, qui reprend les thèses de Philippe Lorino, professeur de management à l’ESSEC. À la fin de son article, Franck Aggeri fait un plaidoyer fort. “Conclusion : il faut se méfier des slogans et doctrines managériales qui ne sont souvent que des formes de taylorisme déguisées sous des oripeaux modernes. À l’inverse, il faut revenir aux sources pour repérer celles qui proposent des approches authentiquement alternatives du management, qui n’opposent pas entre autres, recherche de performances et implication des salariés”, défend-il.
Pour ceux qui veulent se lancer, il faut savoir qu’il y a du pain sur la planche. Le chemin sera long et difficile. Ils doivent s’armer de patience, s’ils veulent adopter de nouvelles formes de travail et devenir de vraies success-stories.
Quelques idées pour débuter
Peut-être que ces quelques recommandations aideront beaucoup d’aspirants entrepreneurs :
La première, c’est qu’il faut une armure mentale solide, car ce ne sera pas facile. La persévérance, l’audace et le courage sont les plus grandes qualités pour un entrepreneur ;
La deuxième : il faudra être rationnel et pragmatique. La valeur d’une idée réside dans son exécution et dans les capacités des personnes qui la portent. Beaucoup de jeunes entrepreneurs en Afrique pensent qu’un business plan a autant de valeur qu’une entreprise. Personne n’investit dans une idée ;
La troisième : les concours, les petits financements, et les grandes séances de pitch peuvent aider à se construire un réseau et à générer un peu d’argent, mais ce n’est jamais suffisant pour survivre et garder le cap. Surtout, ce serait vraiment dommage d’en faire un point de mire.
« …les ventes, restent la première source de financement pour une entreprise qui se respecte. Pour preuve : dans les deux premiers mois de sa création, Amazon a vendu des livres dans 45 Etats sur 50 aux Etats-Unis, et dans plus de 45 pays au niveau mondial. »
Mettez votre produit sur le marché, et voyez comment il réagit. Il s’agit de trouver des clients ! Car les ventes, restent la première source de financement pour une entreprise qui se respecte. Pour preuve : dans les deux premiers mois de sa création, Amazon a vendu des livres dans 45 Etats sur 50 aux Etats-Unis, et dans plus de 45 pays au niveau mondial. C’était le gage d’une réussite future pour l’entreprise créée par Jeff Bezos. Pour ceux qui pensent qu’ils n’ont pas les moyens, qu’ils se détrompent, il y a toujours des possibilités pour partir de rien. Le love money, c’est-à-dire le financement à partir de capitaux apportés par les proches, peut-être une solution de départ. Jeff Bezos a été financé par ses parents au départ. En Afrique, on peut très bien souscrire dans les tontines, et mettre en place son entreprise à partir des fonds levés. Ils peuvent aussi trouver des partenaires pour démarrer en ayant à l’esprit les piliers d’une startup : l’outil technologique, l’organisation, et les ventes (le cash flow).