Dans l’article sur Jumia et sa responsabilité dans l’état du financement dans l’e-commerce africain, nous avons cité Rania Belkahia. La fondatrice de la désormais défunte société Afrimarket comprenait que les « investisseurs soient frileux » à propos du secteur. Il s’agit là d’une vaste généralisation qui trouve sa justification dans le fait que la plupart des levées de fonds impliquent des bailleurs étrangers.
Comme tout preneur de risque, ils choisissent de s’engager dans les projets qu’ils comprennent le mieux. Comme le dit de manière sincère Olabissi Adjovi, cofondateur de OuiCarry prennent tout leur sens : « Tant que t’as pas rentré le premier euro, ça ne sert à rien d’essayer de démarcher des investisseurs ou de convaincre d’autres personnes de t’aider ».
N’étant pas africains, ils sont déconnectés d’un certain nombre de réalités du continent, ce qui les pousse à sous-estimer un certain nombre d’idées pourtant prometteuses. De ce fait, beaucoup de startups en phase d’amorçage et de pré-amorçage se retrouvent disqualifiées et condamnées à la mort.
Or, si les PME forment le tissu économique de nos pays et sont les principales pourvoyeuses d’emplois, alors l’écosystème technologique ne pourra pas jouer le rôle qu’on attend de lui sans que la question du financement des jeunes pousses ne soit réglée. Il est clair que la solution ne viendra pas des investisseurs frileux. Il faut les oublier ! Le salut viendra d’ailleurs et il y a des concepts qui sont en train de s’affirmer petit à petit. Tous tournent autour de deux maîtres-mots : solidarité et communauté.
Des fondateurs de startups finançant d’autres fondateurs de startups
Ce concept a pour socle les valeurs de solidarité et de communauté qui caractérise, même encore aujourd’hui, nos sociétés africaines. Cela fait plus d’une dizaine d’années que les entrepreneurs africains montent des startups et recherchent du financement. Si beaucoup ont échoué au cours du périple, certains ont réussi et ont même progressé jusqu’au stade de licorne.
Leur expérience, tant des marchés africains que de l’écosystème international du capital-risque et de la dette, est une ressource à mettre à profit. Le premier volet les positionne comme les observateurs les plus réalistes quant au potentiel des projets. Le second leur donne une certaine autorité pour la promotion de l’Afrique à l’international et l’attraction du maximum de capitaux.
Plusieurs entrepreneurs africains ont compris cela et n’hésite déjà pas à financer d’autres fondateurs. Par exemple, la fintech nigériane Payhippo a profité en début novembre, des apports de Ham Serunjogi et Maijid Moujaled, co-fondateurs de Chipper Cash, et Olugbenga Agboola, co-fondateur de Flutterwave. Tous les trois ont propulsé leurs startups au sommet. Ils ont une notoriété qui va rejaillir sur Payhippo et contribuer à son développement.
Fatoumata Ba, ancienne cadre dirigeante chez Jumia et fondatrice de Janngo, cristallise bien le phénomène. Elle a dirigé la première licorne africaine, et même si nous ne sommes pas toujours tendres avec la multinationale e-commerce, cela lui donne de la pertinence sur l’Afrique et octroie du crédit à sa vision vis-à-vis de l’entrepreneuriat local. Il suffit de l’entendre pour le comprendre : « Quand je vois une jeune femme, africaine, sénégalaise, je serai en fait heureuse d’investir en elle, je ne serai pas effrayé ». Loin d’être frileuse, elle a décidé d’axer ses investissements uniquement sur les startups africaines, considérant que leur potentiel est mal apprécié du fait de plusieurs biais.
Faire appel à la foule plutôt qu’aux fonds de capital-risque
Que pourraient faire 100 millions de personnes prêtes à investir 10 000 FCFA dans un projet de startup ? Si elles ont chacune 100 000 FCFA, combien de licornes verraient le jour sur le continent ? Cette vision folle est portée par le studio camerounais Kiro’o Games. Dans l’impossibilité de lever des fonds auprès d’investisseurs désireux de financer des bolides de F1 alors que l’Afrique est faite pour le Paris-Dakar, il s’est tourné vers le crowdfunding.
L’équipe camerounaise dirigée par Olivier Madiba a eu plus de simplicité à convaincre plus de 900 investisseurs à mettre plus de 600 millions de FCFA sur la table cette année. Ce que peu de sociétés de capital-risque seraient prêtes à faire dans un secteur comme le jeu vidéo africain.
Ce cas illustre le potentiel de valeur que l’Afrique peut tirer de ces foules et de celles des autres continents dans une moindre mesure. Cela en surprend encore plus d’un de savoir que la diaspora africaine apporte plus d’argent au continent que l’aide au développement. Si la majorité de ces transferts sont en rapport avec l’aide familial Il y a un besoin réel d’investir au pays que les startups locales peuvent combler.
D’ailleurs, comme l’a fait remarqué Madiba, c’est ce genre d’alternatives qui permettront aux jeunes pousses sous nos tropiques de démarrer, grandir et devenir viable aux yeux des investisseurs internationaux. « Notre solution est qu’il faut qu’on finance les PME et startup en phase de recherche ou test marché en diminuant le risque. Un VC ne peut pas mettre 100 millions fcfa pour que tu teste le marché, par contre 1000 personnes peuvent mettre 100K fcfa (20/n). Et quand tu as déjà réussi ton test avec des chiffres concrets, Là tu peux aller voir les VC et toute la chaîne d’investissement. »