Imaginez-vous parcourant une ruelle, votre smartphone à la main. Celui-ci vous permet à la fois de découvrir sans la moindre demande, toutes sortes d’informations pertinentes sur les monuments vous entourant, ou encore des critiques sur le restaurant le plus proche. Il ne s’agit pas du script d’un énième film de science-fiction, mais bien d’une application éditée par Google. Nommée FieldTrip, cette expérimentation de réseaux dits «neuronaux informatiques», risque fort de bouleverser les fondements de la recherche contextuelle et s’annonce centrale dans la modélisation de projets tels que Google Glass, Google TV et Google Car. Il s’agit d’un premier pas vers une connectivité permanente, où la donnée n’est plus recherchée mais fournie avant même que l’utilisateur ne la demande.
FieldTrip repose sur votre géolocalisation et fonctionne continuellement pour vous faire des retours pertinents, basés sur des données sociales et des bases de connaissances mesurées par l’algorithme de recherche de Google. Disponible sur le Play Store depuis le 2 novembre, l’app le sera très prochainement sur l’AppStore.
Derrière ce projet visionnaire se cache une division plutôt méconnue de Google et un Homme, John Hanke. Celui-ci est l’un des fondateurs de Keyhole, société qui a développé en 2001 Earth Viewer, le célèbre logiciel permettant une visualisation en 3D de la planète. Comme vous pouvez l’imaginer, la société a été rachetée en 2004 par la firme de Mountain View et son service fut rebaptisé Google Earth. Hanke devenu l’un des piliers de Google est pourtant resté depuis silencieux.
Il y a quelques mois, cet ancien Vice-Président de la division Géolocalisation de Google est sorti de l’ombre pour proposer à son PDG, Larry Page, une idée jugée révolutionnaire. C’est ainsi qu’est née Niantic Labs (qui tire son nom d’un navire légendaire), dont la finalité est de résoudre certains des problèmes créés par nos smartphones, à savoir, qu’ils nous divisent et nous détournent de la réalité. De l’ensemble des travaux de cette unité a émergé notamment FieldTrip, dont il est question aujourd’hui.
Annoncée comme révolutionnaire, cette expérimentation passée inaperçue jusqu’ici suscite la curiosité outre-Atlantique depuis quelques jours. L’équipe qui se cache derrière ce projet a décidé de lancer les internautes dans un jeu de piste immersif, comparable à un Alternate Reality Game (ARG).
Ce storytelling immersif qui brouille les frontières entre le monde réel et imaginaire, se déploie actuellement en ligne mais pourrait s’étendre dans la vraie vie.
L’équipe de John Hanke a commencé par éditer un compte Twitter @NianticProject le 11 juillet, sur lequel elle diffuse quotidiennement des messages à la fois paranoïaques et énigmatiques. Cette ambiance est la résultante du premier tweet posté sur le compte qui annonçait que « des secrets seront bientôt révélés ».
La toile a réellement commencé à s’emballer le 1er novembre suite à la mise en ligne du site nianticproject.com. Celui-ci abritait alors une étrange voix, clamant « There is more to the world than you can truly see ». Depuis, cette plateforme révèle quotidiennement de mystérieux objets et autres documents tels que des extraits de conversations, les résultats d’une étude, mais surtout des vidéos éditées sur Youtube par un certain Ben Jackland (relayées aussi sur sa page Google Plus). Ce dernier nous raconte de manière épisodique depuis le 29 juillet pourquoi un smartphone qu’il a obtenu par le biais d’une enchère sur le web, se révèle être un objet hors du commun, capable de faire toutes sortes d’actions en réalité augmentée sans la moindre demande de son utilisateur et même avec sa carte SIM enlevée.
Le smartphone, même à l’arrêt, reçoit régulièrement des appels demandant à Ben de signaler sa localisation. Un constat particulièrement inquiétant quand on sait que le jeune homme a retrouvé saccagé son appartement quelques jours auparavant.
Dans la vidéo ci-dessous, Ben démonte le terminal et découvre un élément sur lequel est imprimé le fameux logo du Niantic Lab.
Plus de doute, Google se cache derrière cette énigmatique expérience. Une communauté de joueurs américains s’est par ailleurs formée sur la plateforme Reddit, et un Wiki a vu le jour pour collecter toutes les informations relatives au projet, qui une fois assemblées devraient apporter une théorie viable sur l’origine et l’intérêt de cette expérience.
Selon le créateur du Wiki, une série de vidéos aurait même été diffusée juste avant le Comic-Con 2012 (juillet 2012), par un artiste du nom de Tycho, qui déclare avoir des visions du projet Niantic. L’une de ses affiches publiée le 12 septembre sur le site web Niantic Project cachait un message qui une fois décrypté renvoyait vers son site : tychosees.tumblr.com, bourré de visuels particulièrement ambigus.
Les vidéos et autres données concernant Niantic continuent depuis à affluer sur la plateforme et cela devrait durer jusqu’au 30 novembre. C’est en tout cas ce que semble révéler sa fresque chronologique qui s’arrête à cette date.
A terme, nous en saurons plus sur cet extraordinaire dispositif qui dépasse le strict cadre de la communication. A l’image du Google X, laboratoire clandestin où la firme de Mountain View s’attaquerait avec acharnement à développer une centaine de concepts avant-gardistes, Niantic Lab est une branche de Google jusqu’ici méconnue et autour de laquelle règnent les spéculations les plus folles. Certains continuent d’espérer qu’une révélation imprévisible viendra affoler la toile le 30 novembre.
Pour ma part, j’image que ce jeu de pistes aboutira sur la présentation de la nouvelle gamme de produits équipés du service FieldTrip. A noter que les Google Glass sortiront également fin novembre ce qui laisse penser que le projet Niantic est destiné à illustrer de manière forte, ces usages qui apparaissent subitement dans nos vies au point de sembler irréels. Une chose est sûre, Google dessine le contour d’un monde nouveau où les recherches seront fondamentalement différentes mais surtout dans lequel il occupera une place centrale, à condition que vous l’adoptiez…