Avec plus de 1,3 milliards d’habitants, la Chine est le pays le plus peuplé au monde. C’est aussi le pays qui compte le plus d’internautes avec 538 millions de personnes connectées à Internet. Les internautes chinois sont deux fois plus nombreux que leurs homologues américains.
Le Pays, connu pour ne pas être un fervent défenseur de la liberté d’expression, a mis en place différents systèmes de censure, détenus par les provinces, des sociétés privées ou des associations.
Dans un marché à la fois à fort potentiel mais également très complexe de par son aspect culturel, comment s’adaptent les leaders de l’internet occidentaux ? Et comment rivalisent-ils avec leurs concurrents locaux ? Tour d’horizon des différents acteurs en Chine
Google et les moteurs de recherche
Google est le 2ème moteur de recherche en Chine derrière Baidu. Les deux géants se partageaient 95% de part de marché.
Google a lancé son service de moteur de recherche en janvier 2006. Après de nombreuses négociations, la firme américaine dont le slogan est « don’t be evil » avait finalement accepté la censure chinoise pour des raisons économiques. Cette première étape a été très médiatisée et le choix de Google de se plier aux règles de censure des dirigeants chinois a été très vivement critiqué dans le monde entier.
4 ans plus tard, en janvier 2010, Google annonce que le moteur de recherche ne va plus prendre en compte la censure.
L’élément déclencheur survient le 12 Janvier. Ce jour là, une attaque double pirate massive et « hautement sophistiquée » venue de Chine et appelée « Opération Aurora » a pris pour cible une vingtaine d’entreprises dont Google. Cette attaque a permis aux hackers d’obtenir de nombreuses copies de mails d’exilés chinois et de militants des droits de l’Homme. Les sociétés américaines visées attribuent cette attaque au gouvernement chinois bien que celui-ci ait démenti formellement toute implication.
Cet événement fut très médiatisé et l’affaire devint alors un incident diplomatique entre les deux plus grandes puissances mondiales.
Google, plutôt que de se retirer, mit en place une redirection des requêtes de google.cn vers Google.com.hk, le moteur de recherche de Hong Kong (La région administrative de Hong Kong ayant son propre système légal, les lois de censure ne s’y appliquent pas).
Depuis, Google est devenu inaccessible en Chine, mais son acte, considéré comme militant (Google se prive d’un marché juteux au nom de la liberté d’expression) permet à la firme de respecter son slogan « Don’t Be Evil ».
Wikipedia, l’encyclopédie libre et universelle
Le site de Wikipédia (en chinois mais également dans les autres langues) a été partiellement bloqué. Le wiki le plus célèbre fut bloqué jusqu’en 2008 (après un bref déblocage en octobre 2006) mais cependant de nombreux articles sont inaccessibles.
Le moteur de recherche Baidu en a profité pour lancer Baidu Baike, un wikipédia chinois soumis à la censure.
Wikipédia est actuellement la 3ème encyclopédie en ligne avec 500 000 articles, derrière Hudong (plus de 3 millions d’articles) et Baidu Baike (plus de 1,5 millions d’articles). Ces deux leaders sont évidemment bien plus enclins à accepter la censure du gouvernement et Wikipédia fait office de « rebelle ».
Faits amusants, les internautes Taiwanais sont deux fois plus nombreux à consulter Wikipédia Chine que leurs homologues Chinois. Les internautes chinois sont les 3èmes contributeurs de l’encyclopédie, derrière les taïwanais et lesHongkongais.
Facebook ? Twitter ?
En Chine, impossible d’accéder à Twitter ou Facebook. Par conséquent, seul 0,04 % de la population est membre de Facebook, le réseau le plus populaire du monde.
Le Facebook local se nomme Renren (ce qui signifie « tout le monde ») et compte160 millions de membres (chiffres d’avril 2012). Fait amusant, le réseau social est entré en bourse à New York avant Facebook et 14% de son capital est détenu par une banque d’investissement Japonaise.
Weibo, le Twitter local, compterait lui près de 370 millions de membres pour 100 millions de messages postés chaque jour ce qui lui permet de rivaliser directement avec les 500 millions de membres de Twitter et les 340 millions de messages postés quotidiennement
Qzone est, lui, une plate-forme permettant aux utilisateurs de créer un blog. Ce site compte environ 600 millions de membres.
Chaque réseau social occidental possède son équivalence Chinois. Vous aurez évidemment remarqué l’étrange ressemblance entre le réseau social occidental original et son homologue Chinois. Il faut rappeler que la notion de propriété intellectuelle et de brevet est très différente en Chine et dans les pays occidentaux

Renren, une étrange ressemblance avec Facebook ?
Quels géants de l’Internet sont présents en Chine ?
2 géants de l’Internet mondial acceptent cette contrainte drastique de censure.
Microsoft continue d’exercer son activité de moteur de recherche avec Bing!.
Cela lui a valu de nombreuses critiques, notamment de Sergey Brin (un des 2 fondateurs de Google) qui lui reproche de « faire passer le profit avant tout ».
Mais Microsoft ne reste pas en Chine uniquement pour l’activité économique de son moteur de recherche dont la part de marché est extrêmement faible.
La situation est plus complexe : en effet, l’entreprise compte de nombreux partenaires/clients Chinois. Ne pas collaborer avec le régime serait pris comme un affront qui aurait donc des répercussions sur les différents marchés. La société de Bill Gates ne va donc pas sacrifier de précieux contrats uniquement pour leur moteur de recherche. Il est à noter que l’image de Microsoft est bien moins bonne que celle de Google, qui a donc beaucoup moins à perdre.
Yahoo ! devenu partenaire de Microsoft dans la recherche continue lui aussi ses activités en Chine. Ce qui n’a pas été sans conséquences.
En avril 2007, le journaliste Shi Tao a été condamné à 10 ans de prison pour « divulgation illégale de secrets d’État à l’étranger ». Il s’est avéré que c’est Yahoo ! qui l’a livré à la police (en identifiant son adresse IP). L’entreprise a reconnu les faits et son image en a énormément souffert. L’entreprise a été qualifiée par Reporters Sans Frontières de « collaborateur zélé de la censure ».

Les locaux de Yahoo en Chine
En conclusion il est évident que la Chine présente un marché juteux et très porteur pour de nombreux acteurs d’Internet. Cependant, accepter les contraintes de l’Etat Chinois n’est pas sans conséquences. Ces différentes affaires sont très relayées sur la toile. Le retrait de Google a été pris comme un refus de se rabaisser à la censure et l’entreprise a acquis une image extrêmement positive en étant reconnue comme un acteur majeur de la défense de la liberté d’expression.
Ainsi il faut parfois faire l’impasse sur un certain marché pour en protéger un autre. Mais il est évident que compte tenu de ce marché si spécifique il est très complexe de définir quel comportement adopter pour chacun des acteurs.
Une chose est sûre, la Chine dispose de suffisamment d’entrepreneurs compétents pour adapter tous les services web de l’occident sur leur territoire.