Digital Africa, c’est terminé ? Au vu de l’actualité à son sujet, il semblerait qu’il ne soit pas nécessaire d’attendre sa dissolution effective pour répondre par l’affirmative. L’Agence française de développement l’appelle de tous ses vœux. Un appel auquel les parties africaines de l’organisation se voient obliger de répondre, malgré elles.
Et pourtant, l’histoire avait très bien commencé. Emmanuel Macron avait suscité l’engouement de l’écosystème technologique africain. Il faut dire que l’intention affichée marquait un tournant historique : le projet Digital Africa était supposé illustrer une nouvelle vision des rapports entre la France et l’Afrique. Finie les ères coloniale et néocoloniale, place au partenariat.
Une perspective qui a séduit des acteurs incontournables de la tech africaine comme le Sénégalais Karim Sy et la Camerounaise Rebecca Enonchong. En dépit du caractère inédit et curieux du modèle d’activité de l’association – financée entièrement par le gouvernement français via l’AFD mais administrée par un Conseil où siègent plusieurs autres acteurs – ils ont accepté d’apporter leur pierre à ce nouvel édifice. Aux yeux du grand public, tout se passait à merveille.
Depuis son lancement en 2018, Digital Africa a enchaîné grande annonce sur grande annonce. Elle a prêté son label à des initiatives comme Emerging Valley, un événement créé par Samir Abdelkrim. Son but est d’une part d’accompagner l’émergence de l’entrepreneuriat africain et impulser l’innovation par le numérique. D’autre part, il cherche à rapprocher les écosystèmes européen et africain. L’initiative a promu et soutenu l’entrepreneuriat africain à travers le Challenge des 1000, le programme Social & Inclusive Business Camp (SIBC), le Bridge Fund (avec la participation de Proparco), etc. Son agenda a été bien rempli pendant près de trois ans. Au point où la démission de Karim Sy de son poste de président n’avait inquiété personne.
C’est donc avec surprise que les internautes ont appris que ce départ était survenu dans un contexte où l’autorité du Conseil d’administration avait été bafouée. « Moi-même et d’autres avons soulevé cette question comme un problème de gouvernance. On nous a assuré que c’était un cas unique. Mais parce que @stephaneloise n’a pas été embauchée par le conseil, elle n’a jamais ressenti le besoin de nous faire de rapport ou de nous consulter. Finalement, @ksyDaily a démissionné de son poste de président, mais est resté au conseil. » Ces mots viennent d’un tweet rédigé par Rebecca Enonchong. C’est le huitième d’une série (retweetée par Karim Sy) de 21 gazouillis dans lesquels elle révèle de fortes tensions internes, pointant du doigt l’AFD.
@africatechie a dépeint une situation aux antipodes des valeurs prônées à la création de l’organisation. Il est facile de déduire de ces propos que la voix du continent n’a pas pu se faire entendre. Elle a aussi partagé un communiqué de presse qui illustre vraiment cette idée. Il explique que Kizito Okechukwu, le président sud-africain de l’Association, s’oppose à la convocation exprimée par Jean-Pierre Barkal de l’AFD. Ce dernier veut réunir le Conseil pour discuter de la dissolution de Digital Africa. D’après le document, Okechukwu considère qu’il « ne détient aucun titre à demander la réunion de ce Conseil et n’a au surplus pas respecté les dispositions statutaires relatives aux convocations du Conseil« . Avec tout cela, il apparait impossible que le processus de dissolution n’aille pas jusqu’à son terme.