Depuis maintenant plusieurs années, il est de coutume, pour de nombreuses entreprises opérant sur le continent, d’adopter et d’afficher un positionnement africain. Rien d’étonnant quand on constate les appels incessants à l’unité africaine, tant dans les sphères politiques qu’économiques et sociales. Le panafricanisme est sur toutes lèvres, cristallisant tous les espoirs des nouvelles générations. Celles-ci veulent voir leurs différents pays occuper une meilleure place dans le concert des nations.
N’est pas « made in Africa » qui veut

Revendiquer un bout, quel qu’il soit, de cette identité transnationale est donc très tentant pour les entreprises. Toutefois, pour certaines, c’est un exercice périlleux, où se casser royalement les dents n’est pas exclu. Ainsi, Jumia paye encore les frais de son « audace ». Créée par deux associés français, la startup de commerce en ligne a du mal à faire accepter qu’elle soit une entreprise africaine. Ce, en dépit de son focus exclusif sur le continent. C’est un sujet sur lequel elle est attaquée à la moindre occasion, surtout quand elle ferme ses opérations dans un pays donné.
La formule réussit à d’autres entités, en particulier lorsqu’elles possèdent des arguments légitimes. Ainsi, le groupe Ecobank a toutes les raisons de revendiquer qu’il est « la banque panafricaine ». Il a été mis sur pied par la Fédération des chambres de commerce et d’industrie d’Afrique de l’Ouest, avec la bénédiction de la CEDEAO. De plus, sa présence locale s’étend à 36 pays et il a le leadership dans les sous-régions occidentale et centrale. A ce jeu-là, le meilleur est sans conteste MTN, le seul label « made in Africa » a figuré parmi les 100 marques préférées par les Africains.
La petite entreprise guinéenne, pleine de potentiel, Kunfabo, joue aussi sur la fibre panafricaine. Certes, la startup, créée par Fatima Diawara, n’est pas encore dominante sur le plan continental, et cherche encore à conquérir son marché domestique. Mais elle est fondée sur un concept représentatif de l’Afrique.
Kunfabo, pour un contact conforme aux réalités africaines

A l’opposé de l’Anglais utilisé pour « Mobile Telephone Networks » de MTN, un héritage colonial, le mot Kunfabo a pour lui l’authenticité de la langue Malinké. Signifiant « être en contact », il touche la fibre identitaire des populations d’au moins trois pays : le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire. C’est le nom de marque choisi par Fadima Diawara pour ses smartphones. Kunfabo est certifié par les normes UE, ce qui atteste de sa qualité sans entacher son positionnement. En effet, il n’existe pas de norme africaine et c’est un téléphone qui peut être vendu sur le marché européen. De quoi faire faire briller l’Afrique à l’échelle mondiale.
Le produit tient compte des réalités africaines : son prix abordable en fait un facteur d’inclusion numérique, objectif affiché par bon nombre de nos Etats. Par ailleurs, il est vendu avec des applications pré-installées et adaptées, à l’instar de Dikalo, le WhatsApp africain développé par une startup camerounaise. Il y a aussi une appli de géolocalisation des hôpitaux et pharmacies, ainsi qu’une autre dédiée à la cuisine africaine.
Le design des téléphones et les aspects techniques sont tous traités en Guinée. Le seul bémol peut-être, c’est que l’assemblage se fait en Chine. Une situation à laquelle Fadima entend bien remédier avec son projet de construction d’usine dans son pays. Pour couronner le tout, elle veut faire grandir sa société et devenir leader africain de la téléphonie mobile. Comme MTN à ses débuts sur la scène télécom.
Fadima Diawara, « aux âmes bien nées… »

Le parcours d’études de Fadima ne présageait en rien sa situation actuelle. A 23 ans elle était étudiante en droit à l’université de Conakry, sur le départ pour la Catalogne. A Gérone où elle s’installe, elle se réoriente en comptabilité et reprend donc toutes ses années d’études supérieures. Elle devient commerciale, par la suite, chez un grossiste opérant dans le domaine de la décoration. Là-bas, elle « apprend beaucoup » sur les mécanismes du commerce à l’échelle régionale.
Kunfabo est la réponse qu’elle a trouvée à une question qu’elle s’est posée : « Pourquoi l’Afrique n’est pas capable de créer son propre smartphone ? » C’est armée de connaissance en droit, comptabilité, vente et d’une passion dévorante pour la technologie qu’elle mûrit son projet. Fadima quitte son emploi, et avec l’aide de business angels, elle réunit 100 000 euros qui lui permettent de se lancer.
Fadima Diawara est une illustration parfaite de la nouvelle génération d’entrepreneurs africains. Ambitieuse, passionnée et révoltée, elle est très sensible à la situation du continent. Contrairement a plusieurs géants, elle n’entend pas profiter de la misère du peuple congolais pour réussir. La jeune femme se sent investie d’une véritable mission de santé publique.
Elle a un jour déclaré à cet effet : « C’est un problème de santé publique pour certains villages aux frontières de la Guinée. Il est urgent que tout le monde puisse se connecter à Internet partout. L’ambition de Kunbafo est d’inonder l’Afrique de la téléphonie moins chère, dont l’intérêt principal serait d’offrir un service numérique à la population. »