En mars 2018, lors du Sommet extraordinaire des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine sur la Zone de Libre-échange continentale, sa Majesté le Roi Mohammed VI prononçait les mots suivants : « Le digital est en train de changer le visage de notre continent, porté par une jeunesse inventive, créative et audacieuse. Ce saut numérique est le fruit de jeunes start-ups […]. C’est souvent une population jeune et à faible revenu qui est au cœur de ce processus d’innovation ; elle doit par conséquent être au cœur de nos politiques publiques. »[1]
Ainsi que le souligne le discours du Roi du Maroc, le rôle de la jeunesse est déterminant pour l’avenir du continent, en ce sens que son dynamisme et son fort esprit entrepreneurial en font l’un des piliers du développement socio-économique des pays. Dès lors, nombreux sont ceux qui militent pour soutenir ces jeunes talents, en leur donnant les outils et les moyens nécessaires pour innover et répondre aux besoins de leurs concitoyens. En ce sens, ils reconnaissent que l’investissement dans le capital humain est crucial pour le plein essor économique de l’Afrique.
Le continent est aujourd’hui en passe de devenir un véritable hub numérique, porté par une population férue de nouvelles technologies. Cependant, afin de faire de l’Afrique l’eldorado tech de demain, la formation de ses habitants au numérique sera essentielle pour que ces derniers soient en mesure de répondre aux défis auxquels ils sont et seront confrontés et ainsi se positionner comme une force de l’émergence socio-économique africaine.
Les compétences numériques, vecteur de croissance sur le continent africain
D’ici 2030, l’Afrique doit former 650 millions de personnes au numérique[2]. Tel est du moins ce qui ressort de l’étude réalisée par le cabinet de conseil en stratégie Boston Consulting Group publiée fin 2022. Toujours selon celle-ci, près de neuf patrons africains sur dix considèrent comme prioritaire le développement des formations aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), afin de tirer pleinement profit de l’économie numérique qui embrasse de plus en plus l’Afrique.
En effet, en dix ans à peine, la pénétration d’Internet sur le continent a été multipliée par dix[3], preuve d’une population de plus en plus adepte des nouvelles technologies. Ces dernières permettent en effet de répondre aux besoins des populations, démocratisant ainsi l’accès à tout un ensemble de services jugés essentiels, tels que le paiement, le commerce, la santé ou encore les démarches administratives.
Jeunesse ambitieuse, dynamique, créative, entrepreneuriale, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ces talents qui innovent sans cesse grâce au numérique et participent de facto à la croissance socio-économique du continent. 78% d’entre eux prévoient d’ailleurs de créer leur propre entreprise au cours des cinq prochaines années, selon un sondage réalisé en 2022 dans 15 pays par l’Ichikowitz Family Foundation (IFF)[4]. A cet effet, il est essentiel d’investir dans leur formation afin de les aider à s’adapter aux secteurs modernes à forte productivité. Tel est en substance ce que proclamait le président de la Banque africaine de développement (BAD) en 2018, Akinwumi Adesina, suite à la parution du rapport de l’institution intitulé « Perspectives économiques en Afrique 2018 »[5]. Cela est d’autant plus important que seulement trois millions d’emplois sont créés chaque année, alors que dix à douze millions de jeunes intègrent annuellement le marché du travail, selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT)[6]. Or, ce chiffre est amené à croître dans les prochaines années en raison du boom démographique.
Bien plus qu’un simple levier permettant au continent de s’engager pleinement dans voie de la Quatrième Révolution industrielle, la formation aux TIC apparaît donc comme une véritable urgence. En effet, aujourd’hui, à peine 11% des diplômés de l’enseignement supérieur ont reçu une formation numérique répondant aux standards internationaux[7], ce qui est malheureusement trop peu.
Les nouvelles technologies pouvant offrir de nombreuses opportunités, il importe donc de renforcer l’inclusion numérique. Cela passe tout d’abord par un renforcement de la connectivité, 40% de la population africaine ayant accès à Internet, contre 66% à l’échelle mondiale[8]. Les équipementiers et opérateurs s’adonnent à ce chantier depuis de nombreuses années. Huawei en est un exemple idoine. Depuis plus de vingt ans, le géant chinois s’est donné comme mission d’apporter la connectivité à chaque foyer et organisation en Afrique et a, à cet effet, développé plusieurs projets permettant notamment d’améliorer la connectivité dans les zones rurales.
Cette inclusion passe également et bien entendu par une formation non pas uniquement destinée aux techniciens, ingénieurs, codeurs (etc.), mais à l’ensemble de la population, notamment les femmes et les jeunes, souvent considérées comme étant les plus marginalisés. Ces derniers doivent adopter les règles du monde numérique afin que les entreprises africaines puissent à terme pleinement tirer parti de cette digitalisation massive. Ce faisant, il sera ainsi possible de réduire l’écart entre le marché du travail et les compétences numériques demandées. A cet effet, Orange a mis en place le Orange Digital Center, un écosystème consacré à la formation des jeunes en compétences numériques, ainsi qu’à l’accompagnement des start-ups, que ce soit en termes d’accélération ou de financement.
La rétention des talents en Afrique ou comment renforcer l’employabilité des jeunes
Comme mentionné précédemment, il est admis que la croissance socio-économique du continent est tributaire de cette jeunesse animée d’une ambition effervescente. Au regard de l’essor démographique qu’est amenée à vivre l’Afrique, l’un des défis auxquels sera confronté le continent sera de renforcer l’employabilité des nouveaux arrivants. En effet, les estimations de l’UNESCO soulignent que d’ici 2030, 100 millions de jeunes intègreront le marché du travail[9].
Dans ce contexte, la formation est essentielle, mais il importe également de développer des stratégies afin de retenir les talents sur le continent. Selon la plateforme Talent2Africa, 83% des PDG africains ont en effet émis des inquiétudes quant à la fuite des cerveaux, défi majeur pour le développement du continent. Moins d’un étudiant sur trois trouverait en effet un emploi dans son pays d’origine[10].
Cela peut probablement s’expliquer en partie par le fait que les formations offertes par le secteur public ne répondent pas toujours aux besoins du marché. Face à cela, de nombreuses universités et écoles, souvent européennes, mais pas seulement, ont décidé d’ouvrir des campus dans plusieurs pays africains, proposant ainsi des offres adaptées aux enjeux et besoins du continent. En effet, avec une croissance économique et démographique soutenue, les besoins en profils qualifiés se font de plus en plus nombreux et sont appelés à croître dans les prochaines en Afrique. C’est pourquoi des institutions comme l’ESSEC ou l’EM Lyon ont développé des campus, respectivement à Rabat et Casablanca, afin de former les leaders de demain pour l’Afrique.
Par ailleurs, alors qu’en 2017, une entreprise sur cinq proposait des formations supplémentaires à ses collaborateurs, ce qui est inférieur à la moyenne mondiale[11], il est crucial que le secteur privé prenne lui-même à cœur ce défi de l’employabilité. Les entreprises doivent de plus en plus adopter des dispositifs de formation interne afin de permettre à leurs employés d’accroître leurs compétences et ainsi exercer des fonctions toujours plus stratégiques. La certification Top Employer 2023 reçue par Huawei en Afrique, mais également au niveau national dans dix pays de la région Northern Africa, vient ainsi souligner le dévouement de l’entreprise envers ses salariés. Cette certification vient en effet récompenser les organisations pour leur action positive dans six domaines clés, parmi lesquels la stratégie de gestion des talents, le Talent Acquisition, ainsi que la formation et le développement des compétences.
Si l’engagement du secteur privé est crucial, celui des gouvernements l’est tout autant. L’établissement de politiques publiques et de cadres réglementaires adaptés favorables à l’innovation seront donc un prérequis dans les prochaines années.
Investir dans le capital humain est aujourd’hui de plus en plus une urgence en Afrique. Animés par un esprit d’innovation sans commune mesure pour répondre aux besoins de leurs concitoyens, la jeunesse africaine est l’un des piliers de la croissance socio-économique du continent. Afin de répondre à l’essor démographique ainsi qu’aux besoins et défis auxquels le continent est confronté, la formation aux technologies numériques est impérative et se doit d’être encouragée, tant par les acteurs publics que privés.
[1] Discours adressé par sa Majesté le Roi Mohammed VI au Sommet extraordinaire des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine sur la Zone de libre-échange continentale, Portail National des Collectivités Territoriales, mars 2018.
[2] « L’Afrique doit former 650 millions de personnes au numérique d’ici 2030, selon le BCG », RFI, décembre 2022.
[3] « L’Afrique doit former 650 millions de personnes au numérique d’ici 2030, selon le BCG », RFI, décembre 2022.
[4] « 78% des jeunes africains prévoient de créer leur propre entreprise durant les cinq années à venir (étude) », Agence Ecofin, juin 2022.
[5] « Perspectives économiques en Afrique 2018 : une croissance sans emploi ? », RFI, février 2018.
[6] « Numérique en Afrique : l’urgence de la formation », Le Point Afrique, décembre 2022.
[7] « L’Afrique doit former 650 millions de personnes au numérique d’ici 2030, selon le BCG », RFI, décembre 2022.
[8] « Numérique en Afrique : l’urgence de la formation », Le Point Afrique, décembre 2022.
[9] « Emploi des jeunes : L’Afrique ne doit pas former plus, mais former mieux » , Entreprenante Afrique, décembre 2021.
[10] « Management : comment former et attirer les futurs talents ? », PwC.
[11] « Rétention de talents : le gros défi des entreprises en Afrique » , Talent2Africa, décembre 2017.