Nombreux sont ceux qui passent des heures et des heures, chaque jour, devant un écran, manette à la main. Winning eleven, Pro Evolution soccer, Street fighter, Tekken, Gran Turismo, GTA, Resident evil, Metal Gear… Ces titres de console, plus emblématiques les uns que les autres, ont diverti des dizaines de millions de jeunes millenials africains.
Pour Olivier Madiba, Dominique Yakand Brand et Hugues Wouafo, les choses sont allées bien au-delà du simple amusement. Le jeu vidéo est une affaire sérieuse qui, aujourd’hui, leur gagne-pain. Alors qu’ils n’ont eux-mêmes pas eu cette chance, les trois Camerounais font rêver les nouvelles générations avec du contenu africain.
Kiro’o Games, le fruit d’une vision excentrique qui a marqué l’histoire de l’Afrique

« Je poste des affiches au centre-ville de Yaoundé pour dire que je cherche des personnes qui veulent faire du jeu vidéo. Les gens se disent que je dois être sous hallucinogènes très puissants, mais me laisse faire dans mon délire. » Olivier Madiba exprime, par ces mots, le surréalisme de ses ambitions et de celles de ses partenaires quand ils étaient encore étudiants. Pour mettre sur pied le premier studio de jeux vidéo de l’histoire du Cameroun, ils ont dû faire preuve de beaucoup d’engagement.
Entre 2003, l’année du baccalauréat, et 2013, celle des débuts de Kiro’o Games (ou Kiro’o Studio), il y a eu beaucoup de pression sociale à surmonter et un idéal fou à entretenir contre vents et marées. Pour y arriver, il a fallu du cœur aux trois jeunes hommes, mais aussi de l’audace. C’est ainsi qu’en bons pionniers qu’ils sont, ils ont utilisé une approche novatrice pour financer Aurion, l’héritage des Kori-Odan : l’equity crowdfunding. Ce modèle de financement participatif en ligne leur a permis de mobiliser la diaspora africaine et les amoureux du continent autour d’une initiative culturelle inspirante. Le studio a ainsi pris le contre-pied des difficultés localement rencontrées par les entrepreneurs avec les banques.
Aurion a fait l’objet d’une levée de fonds 183 000 euros, soit 120 millions de FCFA, qui ont permis son lancement en 2016. Le succès à été rapidement au rendez-vous pour ce jeu de rôle mobile. Il a permis à Kiro’o Games d’asseoir toute sa crédibilité et il a fait d’Olivier Madiba et de ses associés, trois des entrepreneurs tech africains les plus en vogue de ces dernières années. Une consécration qu’ils préfèrent dédier à leurs équipes, en bons managers qu’ils sont. Ils préfèrent d’ailleurs parler de famille.
Aurion, illustration de la formule du succès ?

La recette du succès des innovations sur le continent semble tenir en trois choses : des Africains qui créent une solution africaine à destination d’Africains. C’est en tout cas ce que représente Aurion. Bien évidemment, l’équipe de Kiro’o Games répond au premier critère. Quant au jeu, il raconte une histoire d’usurpation de trône comme dans les légendes qu’affectionnent les griots. Le héros et l’héroïne sont contrôlés dans un univers coloré et fantastique qui dépeint l’Afrique et des comportements culturels types. Pour finir, le choix du support mobile rend le jeu accessible à la majorité.
Aurion a été accueilli très favorablement par le grand public. Plusieurs sites spécialisés lui ont flanqué de bonnes notes et les plus grands médias internationaux lui ont dédié un article. En 2019, il comptait 60 000 joueurs. L’histoire a même fasciné Hollywood et suscité des réflexions sur une possible adaptation au cinéma. La réussite d’une innovation culturelle dans toute sa splendeur. Et Kiro’o Games ne compte pas s’arrêter là. Le studio a les grandes consoles de salon comme la Playstation et la Xbox dans le viseur. Il s’est donné pour mission de veiller à ce que les enfants d’aujourd’hui deviennent des hommes et femmes accomplis. Des individus confiants qui baignent dans des divertissements riches et culturels inspirants.
L’Afrique représente seulement 1 % du marché mondial du jeu vidéo (lequel est estimé à 1 milliard de consommateurs). Cependant, la jeunesse du continent en fait un marché à fort potentiel. Olivier Madiba et son équipe ont, à l’instar de quelques autres, posé les bases de l’industrie au niveau local : des titres sur mobile, jouables hors-ligne et destinés à des casual gamers capables d’accéder à un smartphone (membres de la classe moyenne).