Les investisseurs internationaux veulent financer des voitures de Formule 1 alors que les startups ayant le plus de chance de réussir en Afrique sont des engins adaptés au Paris-Dakar. C’est en substance ce qu’a essayé de faire ressortir Madiba Olivier, le fondateur du studio de jeu vidéo Kiro’o Games. Dans son thread de 25 tweets, l’entrepreneur camerounais a donné son avis et son retour d’expérience sur le financement des startups et PME au Cameroun et ailleurs en Afrique.
Cela intervient à l’issue d’une rencontre qui s’est tenue ce 16 juin 2021. Des sommités de l’écosystème camerounais et africain ont discuté de la question du financement dans le cadre de l’initiative Strength Sharing Space (#SSSpace). 330 personnes ont pris part à cette conversation virtuelle placée sous le thème : « Investir dans les startups 237 ».
Le thread détaillé du patron de Kiro’o est une réponse aux explications données par Rebecca Enonchong sur l’état d’esprit des investisseurs internationaux. En accord avec @africatechie, Madiba Olivier a enrichi le débat avec des informations empiriques. De l’opinion de la fondatrice d’Apps Tech, son thread ci-dessous est excellent.
Bon je voulais attendre un peu
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
mais finalement je vais donner mon avis et mon retour d'expérience sur le financement startup 237 et surtout PME en Afrique
C'est une réponse constructive à la belle discussion du #SSSpace d'hier
RT pour la communauté
(1/n)
Déjà je suis d'accord avec tout ce que Rebecca a expliqué hier (safe, seed, vc, IPO, etc),
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Ellle a brillamment expliqué le mindset des investisseurs internationaux auxquels nous devrons nous aligner pour passer un certain cap de croissance et retour sur investissement (2/n)
Maintenant j'aimerais apporter ma contribution en commençant par un proverbe qu'un mentor m'avait donné quand je commençais les affaires au kmer:
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
"La bonne solution n'est pas toujours la meilleure"
Et je pense que c'est un des nœuds clés de la situation (3/n)
De mon expérience et de beaucoup d'autres, la logique des investisseurs internationaux est bonne mais pas adaptée à notre réalité pour le moment.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Je dis bien "Pour le moment" car là où Rebecca a raison c'est qu'on devra s'y arrimer tôt ou tard si on veut évoluer
(4/n)
Pour illustrer mon propos je vais dire que les investisseurs avec mindset occidental pensent comme en Formule 1 (rapidité , précision, etc) ,
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Alors que la plupart des entrepreneurs locaux ont le sentiment de vivre sous Paris-Dakar (adaptation, jonglage, etc)
(5/n) pic.twitter.com/vx0h884qYF
Cette différence de mindset génère un dialogue impossible.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Quand l'investisseur te pose des questions de Formule 1 : Tu vas à quelle vitesse, ton staff change les roues à quelle vitesse, on peut voir tes records de tour de chauffe.?
Toi tu es perdu
(6/n)
Ensuite tu veux lui expliquer qu'on ne conduit pas sur le désert et les routes cassées avec la logique là
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Tu lui présente à quel point tu gères bien ton hydratation, ton copilote et la carte bref tes éléments de Paris-Dakar.
Et ça coince puisque lui il veut des F1
(7/n)
Rebecca a dit hier que quand on va à l'international on réalise que les startups financées ailleurs sont majoritairement faites par des expat occidentaux Ou dans le social (pas toutes)
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
C'est justement parce que ce sont les seuls qui peuvent dire qu'ils vont faire la F1 ici (8/n)
Et ce qu'on observe c'est ce que quand on les finance,
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Elles posent leur voiture de F1 sur le sol africain et ça se casse partout. (pas toute mais beaucoup d'entre elles)
La plupart qui s'en sortent, réussissent dans les environnement où il y a déjà les "bonnes routes"
(9/n)
Comme l'Afrique du Sud par exemple qui a un haut niveau d'infrastructure.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Bref c'est ce qui fait qu'une startup comme Kiroo par exemple n'a pas pu lever dans le circuit normal malgré notre passé et surtout à cause de nos ambitions on a eu un dilemme
(10/n)
Nous sommes en 2017, je viens de rentrer du YALI où j'ai été formé à comprendre comment les startups comme Amazon, etc ont réussi
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
La clé : comprendre la sociologie de ton environnement et la combiner à la tech.
Kiroo réalise donc une giga enquête sociale de 6 mois (11/n)
Ce que notre enquête de terrain africain a révélé, C'est que si tu es un studio de jeu vidéo qui ne fait QUE du jeu vidéo,
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Tu ne vas jamais réussir dans le cœur des africains au vu de plusieurs réalités sociales.
En plus de distraire tu dois aider aux vrais pbs
(12/n)
Et là on sort donc notre vision Games + Rebuntu en capitalisant sur ce qu'on est.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
La plupart des africains qui mangent aux tournedos comme nous y voient du genie. Un risque mais du génie (Mindset Paris Dakar)
Les investisseurs internationaux ont vu le désordre (F1) (13/n)
De là on avait un dilemme:
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
– Est ce qu'on doit mentir aux investisseurs ? Leur parler seulement de jeux vidéos, prendre leur argent et faire ce qu'on sait qui va marcher ?
– Est ce qu'on doit insister et mourir de non financement en ayant raison mais être incompris ?
(14/n)
Imaginez bien qu'on était comme un champion de Paris-Dakar à qui on dit:
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Entre dans une F1 sur une mauvaise route et fais du 300Km/h. (Toi tu sais que tu vas die très mal)
Ou bien: laisse alors personne ne veut mette l'ahan sur ta voiture du désert là. On veut la F1.
(15/n)
Bref un débat impossible.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Quand une startup est en mode "Paris-Dakar" elle ne suit pas une route précise. Même si il y a le plan et la carte, vous allez changer de cap énormément
Et un investisseur "Formule 1" ne comprend pas ça.
(16/n)
Ce qui est intéressant c'est que une fois qu'une startup a acquis assez de rodage dans sa phase Paris-Dakar,
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Elle commence à faire les pointes de vitesse de Formule 1.
Kiroo par exemple, les investisseurs "F1 Mindset" vont mieux nous comprendre en fin 2022
(17/n)
Parce que nous aurons acquis assez d'exp pour savoir aller vite et faire de la F1 sur route cassée
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
C'était impossible avant d'avoir fait la demo du Responsable etc,
Voici selon notre pt de vue ce qui freine l'investissement dans les startups tech 237 qui sont intègres
(18/n)
Les startups africaines portées par des africains qui comprennent leur terrain vont avoir des business model Paris- Dakar
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Les investisseurs occidentaux mindset vont vouloir de la F1 et du coup mettre les sous sur des expats ou des projet peu disruptifs.
(19/n)
Notre solution est qu'il faut qu'on finance les PME et startup en phase de recherche ou test marché en diminuant le risque.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Un VC ne peut pas mettre 100 millions fcfa pour que tu teste le marché, par contre 1000 personnes peuvent mettre 100K fcfa (20/n)
Et quand tu as déjà réussi ton test avec des chiffres concrets,
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Là tu peux aller voir les VC et toute la chaîne d'investissement que Rebecca expliquait hier.
C'est un des chaînons manquants qui coince au Cameroun et que certains pays ont réglés.
(21/n)
Mais en réalité nous sommes un continent où l'investissement a des enjeux plus énormes que créer des super startups en bourse.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
On a un déficit de 100 millions d'emplois il faut créer 10 millions de PME normale en 20 ans.
Sinon on est mort (famine, etc)
(22/n)
Et les investisseurs internationaux qui sont déjà dans une phase de croissance où ils ont dépassé la survie ne comprendront même pas le français que j'écris là.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Nous africains devront créer ce tissu PME nous même et inventer une méthode qui fasse qu'on investisse en masse (23/n)
Je répète:
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
La création des PME n'est pas une hype, un trend, un truc fashion du moment pour l'Afrique
C'est notre seule carte de survie et on a maxi 30 ans pour y arriver sinon on crève
Je dis PME pas startup
Donc quand on discute investment il faut être dans ce mindset (24/n)
C'est pourquoi Kiroo se bat pour créer @KirooRebuntu qui doit réunir un jour 100 million de personnes qui investissent 10mil fcfa par mois sur des PME normales sur le continent.
— Madiba Olivier (@madibaOlivier) June 17, 2021
Et de ces PME émergeront des étoiles qui suivront les circuits classiques.
(25/25)