Rencontré au Mobile World Congress (MWC), qui s’est déroulé à Barcelone, la semaine dernière (du 27 février au 02 mars), Adnane Ben Halima, vice-président en charge des affaires publiques chez Huawei Northern Africa, a fait le tour de la question de l’écosystème des TIC en Afrique. Selon lui, il existe une corrélation directe entre le dynamisme de l’économie numérique et le développement de l’économie en général. Il est revenu sur les relations entre la firme chinoise, Huawei, et ses différents partenaires sur le continent.
AITN – Vous participez au Mobile World Congress de cette année, à Barcelone, quelles sont les principales innovations que Huawei a présentées ?
Adnane Ben Halima – Le MWC est l’occasion de présenter, chaque année, plusieurs choses, et aussi voir quelles sont les nouveautés en termes de solutions en télécommunications et en IT, qui sont maintenant en convergence. Nous sommes là pour observer comment les choses évoluent. Nous avons, par ailleurs, beaucoup évoqué une chose très importante en termes de connectivité : le gigaverse. Pour nous, le gigaverse, c’est l’univers du gigabit par seconde. On y accède avec une connectivité partant de 1 Gb/seconde et plus. Nous travaillons sur l’évolution de la 5G, et à terme, il y aura des débits allant jusqu’à 10 gigabits par seconde. On a la solution qui est prête et les premières expérimentations ont été faites. Tout cela va ouvrir un éventail énorme de possibilités.
Ici, par exemple, il y a beaucoup de caméras ultra HD pour vous filmer et la possibilité de créer votre avatar, votre personnage virtuel qui va imiter en temps réel tous vos gestes. Cela veut dire que vous pouvez avoir quelqu’un dans le virtuel qui vous représente et que vous pouvez piloter et qui va obéir à tous vos sens. C’est une possibilité, mais il n’y a pas que cela. On retrouve tout cela dans le monde du gaming, du shopping virtuel, dans le monde de l’éducation virtuelle. On va pouvoir assister à des conférences. Une des possibilités concrètes : dans les universités vous pourrez, avec votre personnage, serrer la main de vos collègues de manière virtuelle.
Après, il y a la partie IT qui est tout ce qui est traitement et stockage de données. On parle de cloud data center. Huawei considère que c’est une partie intégrante de la structure. D’ailleurs, nous pensons qu’il faut vraiment avoir une certaine souveraineté sur ces données-là, parce que des fournisseurs de Cloud, on en trouve beaucoup. Mais pour certains scénarios, il faudra avoir des données sur le pays. Juste un chiffre : en Afrique, il n’y a que 2 % de données stockées sur place. Donc, pour le futur, si le continent veut garder le contrôle sur les données, il faut y travailler très sérieusement à partir de maintenant.
Nous avons beaucoup entendu dire que 2023 sera l’année de la 5G en Afrique. Pensez-vous que ce sera le cas ?
En effet, cette année 2023 sera marquante car plusieurs pays africains vont lancer la 5G ou vont être en phase très mature de lancement de la 5G. Et cela, on va le voir que ce soit en Côte d’Ivoire, en Égypte ou encore au Maroc et dans d’autres pays.
De manière générale, comment Huawei compte accompagner ses partenaires africains dans la perspective d’adoption de la 5G ?
Nous ne voyons pas la 5G comme un outil de rupture, mais plutôt une continuité. Ce n’est pas une nouvelle couche que l’on introduit. Pour les partenaires de Huawei qui ont des réseaux 4G, leurs équipements sont déjà prêts. Certainement, il faudra quelques extensions pour ajuster un peu, mais ils pourront accueillir la 5G. Une fois la licence disponible, ils seront à jour avec des fonctionnalités déjà existantes. C’est notre façon d’assurer la continuité du business.
Au-delà des États et des opérateurs, comment voyez-vous le développement des startups africaines ?
Nous croyons beaucoup à l’écosystème. Pour dynamiser le secteur des TIC dans les pays africains, l’investissement de tous les acteurs est nécessaire. Le gouvernement gère l’aspect réglementaire ; les opérateurs téléphones bâtissent et commercialisent la connectivité ; les fournisseurs proposent des solutions ; les startups s’occupent de la mise en œuvre des cas d’usage ; il faut aussi compter sur les éditeurs de logiciels. D’autres acteurs peuvent également intervenir. L’implication de tout le monde est nécessaire pour garantir un confort de connectivité.
Dans ce sens, nous avons un programme de soutien aux startups qui s’appelle Spark, lancé l’année dernière. Ce programme vise à identifier et sélectionner des startups qui font usage des TIC et surtout de la technologie Cloud. À travers ce programme, nous les assistons en termes de formation, d’accompagnement pour leur go to market, mais aussi en dotation en matériels ainsi qu’en financement. Nous leur permettons également d’accéder gratuitement au Cloud de Huawei pour s’exporter à l’étranger. Enfin, nous leur offrons la chance de participer à des événements majeurs dans le monde pour être en relation avec des partenaires, des clients et avoir accès au marché extérieur.
Les pays africains ont encore un gap important à réduire pour l’adoption des dernières technologies. Où mettriez-vous l’urgence ?
Notre slogan et notre volonté, c’est de connecter toute personne en tout lieu et à n’importe quel niveau. Nous ne privilégions pas un pays par rapport à un autre. Mais il y a des réalités. Nous avons des partenaires locaux et leurs choix se font par le type de service qu’ils veulent fournir par rapport au type de solutions qu’ils veulent acheter. Nous les accompagnons pour que ce service soit le plus utile et le plus pertinent possibles. Nous ne faisons pas focus sur un pays au détriment d’un autre. Mais, c’est certain, il y a des prérequis réels sur le terrain qui font qu’un partenaire choisisse d’investir plus ou moins selon ses besoins.
Pour l’Afrique, s’il y a une urgence, je parlerai du service universel. C’est un sujet qui est extrêmement important : fournir les services telcos partout. Il y a énormément de zones en Afrique qui ne sont pas desservies. Par rapport à cela, nous fournissons des solutions adéquates lorsque dans ces zones il y a des contraintes qui n’existent pas ailleurs. Par exemple, nous avons mis en place des solutions télécoms qui sont autonomes en termes de génération d’énergie. Ainsi, nous pouvons desservir les populations qui sont présentes dans ces zones-là. Ensuite, il y a le besoin de renforcer la transmission entre les lignes pour avoir une meilleure connectivité dans des villes qui sont moins importantes que la capitale. Et aussi, dans les grandes villes avec des congestions, où le réseau est saturé, l’adoption de nouvelles technologies devrait permettre de renforcer les capacités dans la connectivité. Il y a beaucoup de choses à faire en Afrique. Mais l’évolution ces dernières années reste très positive et prometteuse. En tout état de cause, je peux affirmer que la volonté de Huawei reste la construction des infrastructures et le partage du savoir-faire avec l’Afrique.
Propos recueillis par Abdoulaye Sène